
Le château d’Ételan, joyau de la Renaissance normande, doit beaucoup à la famille Picard, qui transforma ce domaine en l’une des plus remarquables demeures seigneuriales de Haute-Normandie. Plongeons dans l’histoire de cette famille d’exception, dont le destin illustre l’émergence d’une noblesse de service sous les rois de France.
Des origines administratives à l’ascension noble
La famille Picard émerge au XVe siècle avec Guillaume Picard. Initialement greffier civil à l’Échiquier de Normandie en 1455, Guillaume gravit rapidement les échelons du pouvoir royal. Il devient notaire et secrétaire du roi, général des Aides à Rouen en 1462, puis général des Finances de Normandie en 1465. Fidèle serviteur de Louis XI, il est anobli et gratifié des fiefs d’Ételan et du Bourg-Achard. Toutefois, sa mort en 1484 survient peu après une disgrâce à l’avènement de Charles VIII.
Louis Picard : guerrier et architecte
Son fils Louis Picard perpétue l’œuvre familiale. Homme d’armes du duc d’Orléans (futur Louis XII), il participe à la première guerre d’Italie. De retour en France, il entreprend de moderniser le château d’Ételan, y introduisant un pavillon d’escalier inspiré de l’architecture italienne, orné de grandes arcades ouvertes. Sa carrière militaire et ses liens à la cour lui permettent d’obtenir plusieurs pensions royales, comme en témoigne une quittance de 700 livres tournois en 1494. Les chroniques décrivent Louis comme un personnage fougueux, n’hésitant pas à s’opposer à des dignitaires ecclésiastiques de Rouen.
François Picard : le maintien du prestige
François Picard, fils de Louis, assure la continuité de l’œuvre familiale. Seigneur d’Ételan, il sert le roi comme officier entre 1509 et 1526. Sous son autorité, le château conserve son rôle central dans l’organisation seigneuriale : le domaine s’enrichit d’une grande cour, d’écuries spacieuses, d’un haras réputé et d’une basse-cour destinée aux chevaux de trait. Un inventaire méticuleux dressé en 1557 témoigne de la richesse et de la fonction précise de chaque partie du château.
Jean et Georges Picard : figures complémentaires
Jean Picard, parent de Louis, contribue également à l’épopée familiale. Après s’être distingué à la bataille de Fornoue (1495), il intègre le Conseil du roi en 1498, devient maître d’hôtel ordinaire en 1517, puis bailli de Gisors en 1521. Sa position lui permet de jouer un rôle d’intermédiaire influent entre les villes normandes et la monarchie, consolidant ainsi l’ancrage régional des Picard.
Georges Picard, mentionné dans les documents de 1540, apparaît comme bénéficiaire de revenus substantiels tirés de ses fiefs. Bien que son rôle demeure moins documenté que celui de ses parents, il participe à la pérennité de l’influence familiale dans la région.
Transmission d’Ételan : une lignée ininterrompue de 1468 à 1714
Le château d’Ételan est resté entre les mains d’une même lignée pendant près de deux siècles. Depuis Guillaume Picard, qui en obtint les fiefs au XVe siècle, jusqu’à Marie-Anne « Henriette » d’Espinay-Saint-Luc, dernière héritière avant la vente à Jean-François Hénault en 1714, la demeure fut transmise de génération en génération, entre pères, fils, filles et alliés par mariage. Le schéma ci-dessous retrace les grandes étapes de cette transmission familiale, illustrant la continuité dynastique qui a permis de préserver ce patrimoine à travers les siècles.
Note : Le contenu de cet article est en grande partie tiré de la thèse de Xavier PAGAZANI « Demeures campagnardes de la petite et moyenne noblesse en haute Normandie (1450-1600) : pour une histoire architecturale d’une province française ».
Par Basile Boudier
Publié le lundi 10 mars, 2025