Magique est un mot à présent aussi dévalué que génial, car : non, il n’y a pas tant de magie dans notre monde actuel, pas plus qu’il n’y a de génies véritables.
La magie, c’était, jadis, l’apanage des fées, qui, d’un coup de baguette transformaient des citrouilles en carrosses, soudain attelés à des chevaux qui n’étaient, la minute d’avant, que des rats. Et montant dans ce bel équipage, une pauvre souillon portait une robe haute couture et troquait ses sabots pour des chaussures, qui n’étaient pas vraiment à sa taille afin qu’elle pût en perdre une, que recueillerait un prince, etc.
Quant au génie, il dormait dans une petite lampe à huile, qu’il suffisait de frotter, non tant pour faire reluire au Miror son cuivre oxydé, mais pour demander à l’étrange occupant d’exaucer un vœu, par essence impossible, du genre : voler sur un tapis.
Les fées ont donc disparu…
… dans les bois d’Etelan, avec Cendrillon, Blanche-neige, Aladin, le chat botté, la Belle et la Bête, tous ces autres personnages de nos chers albums d’enfance. Certes ces créatures avaient parfois quelques verbiages contemporains, mais toutes les apparences y étaient, dans cette belle garenne où nous dûmes les suivre bon train, sans plus reconnaître, sous leurs costumes délirants, les quatre charmantes jeunes filles et le non moins charmant jeune homme qui avaient partagé notre déjeuner, conçu par les deux fées des marmites : Elisabeth et Natalia.
Entre les desserts et le départ dans la garenne, j’avais moi-même lu des contes aux premiers visiteurs du jour. Des contes sans concurrence aucune avec ceux à venir dans la garenne puisque j’en étais l’auteur.
Et, tel le Petit Poucet ramasseur de mies de pain et de cailloux blancs, l’étonnant Pascal présentait ses 50 tamis emplis de graines. Car Pascal sait que notre monde est dans sa finitude, et il arpente, depuis des années, parcs et jardins, bois et prairies pour compléter cette singulière récolte de son « herbier contemporain ». Sans doute préféra-t-il, dans son enfance, quelque lecture biblique aux contes de fées : ce chapitre où Dieu, de sa voix évidemment tonnante, expédia le vieux Noë rassembler les animaux dans l’Arche.
Et Dieu, peut-être, accorda à tous ces êtres fantasques soleil et ciel bleu, ces 2 et 3 juin 2018.
Nos fées et leur Aladin disparus, c’est Jean Giono qui s’incarna, pour nous parler d’Elzéard Bouffier, ce berger qui replanta, obstinément, des forêts disparues. L’auteur provençal était, sous la lumière verte du plus vieux tilleul d’Etelan, vêtu de toile bistre, comme la musicienne ponctuant son récit, comme le panier d’osier, les sièges et petits tapis ronds. L’harmonie était parfaite sous cet arbre immense, planté par quelque Elzéard Bouffier du XVI° siècle devant la maison des gardes, où l’actuelle Dame d’Etelan, allongée depuis plusieurs années, espère peut-être quelque prince qui viendrait la réveiller quand elle aura cent ans. Et c’est au moment où la voix du conteur s’éteignit, et que les instruments retournèrent eux aussi au silence, c’est à ce moment-là que le mot « magique » m’est venu, comme une évidence et non plus comme un mot usé, sali.
A Etelan, les arbres et nous avons vécu d’inoubliables moments.
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Par Simone Arèse
Publié le lundi 4 juin, 2018
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